Bertrand Neyret (ECP92) travaille, depuis plus de quinze ans, à l’amélioration continue de la performance supply
chain au sein d’équipes internationales. Actuellement expert global supply chain chez Saint-Gobain, il a travaillé auparavant en production, stratégie, qualité produits et services, en France et à l’étranger. Il est également membre du conseil d’administration de France Supply Chain by Aslog.
DANS UN CONTEXTE de plus en plus incertain, le partage
– organisé et sécurisé dans un cadre légal – d’informations entre clients et fournisseurs permet de mieux absorber les aléas du marché. Dans sa lettre de juin 2022, France Supply Chain by Aslog1 met en avant le rôle du partage d’informations et de la transparence dans la supply chain lors de la gestion des crises. En accord avec les piliers de la supply chain, il faut voir là une opportunité de sortir d’une logique de relation à distance, sans lien de dépendance, et d’entrer dans une logique de partenariat et d’intérêt commun avec certains de nos clients et fournisseurs. Si le client partage avec son fournisseur les volumes (mais pas son chiffre d’affaires) des produits vendus, le fournisseur peut mieux ajuster sa production et ainsi éviter les risques de rupture de stock. À l’inverse, si le fournisseur partage régulièrement l’état de son stock avec son client, celui ci est rassuré et va avoir un comportement d’achat plus rationnel. Le distributeur, client d’un fabricant de matériaux, va ainsi partager les informations sur les quantités vendues en point de vente. De son côté, le fabricant partagera ses quantités en stock, voire ses plannings de fabrication et d’expédition. Pour un industriel, bénéficier de prévisions plus fines par produit et par zone géographique permet de mieux anticiper sa production. À son tour, il peut ainsi apporter une meilleure visibilité à ses fournisseurs clés. Les bénéfices sont multiples et partagés : satisfaction du client, moins de ruptures d’approvisionnement, coûts et stocks réduits…
La relation restant commerciale et soumise au droit de la concurrence, le partage dans la relation client-fournisseur doit être sécurisé et organisé, avec parfois
le recours à un « tiers de confiance » et un encadrement juridique. Un client ne souhaite pas forcément partager son chiffre d’affaires et un producteur n’est pas toujours prêt à communiquer ses coûts. On cherchera donc à se limiter à la partie quantités et volumes.
Travailler en mode collaboratif
Il faut aussi clarifier les attentes. Le client qui partage ses volumes de vente peut rechercher l’engagement du fournisseur sur un taux minimum de disponibilité
en rayon dans ses magasins. Le fournisseur qui partage l’état de ses stocks cherchera peut-être un engagement de volume minimum-maximum borné lors de chaque commande de son client. Si, malgré le partage de bonne foi, ces indicateurs sortent des valeurs d’engagement, quid d’éventuels bonus malus, et au-delà de quels écarts les déclencher ? Le mode collaboratif peut être poussé encore plus loin avec des revues et des partages d’informations sur un échantillon plus large d’acteurs de la supply chain (fabricants de produits différents fournissant le même type de clients et vice-versa). Cette pratique est plus développée dans certains pays. Des exemples existent néanmoins en France (marchés aéronautiques, fabricants de confiserie…), mais il faut parfois vaincre des résistances culturelles où chacun défend son pré carré, et répondre à des interrogations réelles sur la fiabilité des données ou la cybersécurité. Les crises récentes et l’adversité à laquelle doivent faire face les clients et fournisseurs peuvent jouer ce rôle de catalyseur. Avec comme objectifs communs une amélioration du service, une optimisation des coûts et de la trésorerie et une diminution des émissions de CO2 tout le long de la chaîne d’approvisionnement.